ARCHIVES

Le projet ARCHIVES est, pour moi, bien plus qu’une simple collection de sculptures. C’est une exploration, un dialogue entre mes racines franco-gabonaises, une tentative de relier deux héritages qui se confrontent, s’entrelacent, s’influencent et se heurtent parfois. À travers chaque pièce, je cherche à traduire la complexité de ces ponts fragiles et profonds, qui me lient à la fois à un passé colonial troublé et à une quête identitaire contemporaine.

Dans ARCHIVE, je ne me contente pas d’évoquer l’histoire ; j’incarne le personnage d’un marchand d’art français du début du XXe siècle, cet acteur ambigu de la colonisation qui pille, réapproprie et confisque des artefacts sacrés, des fragments de vie et de mémoire des populations du bassin du Congo. En endossant ce rôle, en prenant cette voix d’oppresseur, je force une mise en abîme douloureuse et nécessaire, un retour critique sur la question du patrimoine volé, du sacré spolié, de l’identité confisquée par l’Occident.

Chaque sculpture que je crée dans cette série est une résurgence, un spectre d’un passé qui hante encore notre présent. Mes œuvres, parfois brutes, parfois presque reliques modernes, deviennent des échos des voix silencieuses de ceux qui ont vu leurs cultures être disséquées, leurs objets être arrachés, exposés dans des vitrines étrangères, loin de leur terre d’origine. À travers ce travail, je veux que l’on ressente cette tension, cette amertume, mais aussi cette résilience.

Je me sers de cette posture provocante pour interroger nos conceptions du patrimoine, de la mémoire et de l’appropriation. ARCHIVES invite à repenser ce que signifie vraiment la restitution : peut-on vraiment « rendre » ce qui a été dérobé, et comment ? Quels liens nous restent-il avec ces objets, ces traces d’un passé souvent perdu dans le déni et l’oubli ? En tant qu’artiste, je me place dans cette ambiguïté, entre la culpabilité de l’Occident et la quête de réconciliation de mes racines africaines. Mon travail questionne cette dualité : peut-on réconcilier des héritages aussi marqués, et si oui, comment ?

En fin de compte, ARCHIVES est une catharsis, une tentative de transformer la violence historique en un dialogue, de tourner les yeux vers ces reliques et de leur redonner une voix, un sens, une dignité. Je veux que mes sculptures parlent là où les mots échouent, qu’elles incarnent cette lutte perpétuelle entre possession et dépossession, et qu’elles ouvrent la porte à une réflexion, douloureuse mais vitale, sur notre rapport au passé.